Difficultés : des outils juridiques à utiliser (2e partie)
Différents dispositifs juridiques sont à disposition des dirigeants pour les aider à maintenir leur activité en cas de difficultés : mandat ad hoc, conciliation, plans de sauvegarde ou de redressement... Anticiper les problèmes augmente les chances de sauvegarder l'entreprise.
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Dans le cadre de son assemblée générale, la FNPHP Aquitaine a organisé une réunion d'information sur les procédures juridiques que doivent connaître les sociétés qui rencontrent des problèmes (*) : mandat ad hoc, conciliation agricole ou de droit commun, sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire (voir le Lien horticole n° 947 du 4 novembre 2015, p. 16-17). Maître Bernard Quesnel, avocat spécialiste des restructurations d'entreprises en difficultés à Bordeaux (33), a apporté son éclairage sur ces questions. « Une entreprise naît, se développe et meurt », a-t-il souligné, rappelant que l'espérance de vie d'une société est en général d'un siècle. Mais autant retarder l'échéance ! Et pour ce faire, il est important d'anticiper les ennuis.
La caution
LE GRAIN DE SABLE QUI ENRAYE LA MACHINE
Bernard Quesnel l'annonce sans détour : « En cas de cessation de paiement, la seule conclusion est la liquidation judiciaire. » Deux raisons sont avancées par l'avocat. La première vient des « salariés de banque » qui n'ont « aucun intérêt à prendre des risques » et à répondre favorablement à la requête de l'entreprise (nouveau crédit, par exemple). La deuxième vient de la caution. « Pour financer leur investissement, les TPE-PME doivent parcourir tout un cheminement de validation de leur dossier qui se conclut "invariablement" par la signature d'un engagement de caution personnel, solidaire et indivisible. » Et l'expert de rappeler la vie ou la mort possible d'un établissement : un patrimoine limité à ses débuts ; le mariage de l'entrepreneur sous le régime légal, voire sous celui de la communauté universelle (« le pire régime car les difficultés sont transférées au conjoint et descendants ! ») ; le développement de l'exploitation ; les difficultés ; le recours à l'expert-comptable ou au CGA (Centre de gestion agréé) ; l'ouverture d'un mandat ad hoc puis d'une conciliation qui échoue ; le dépôt de bilan en redressement judiciaire... « À cette étape, encore faut-il que l'avocat n'oublie pas de spécifier le régime agricole de la société pour lui faire bénéficier du délai de quinze ans ! » L'entrée en procédure collective entraîne l'arrêt des procédures individuelles (y compris vis-à-vis des banques), et l'adoption d'un plan de continuation sur quinze ans propre à assurer la sauvegarde... Fin de l'histoire ? Non : « L'huissier passe pour délivrer un commandement de paiement à la caution. Le dirigeant ne peut pas la payer, et il se retrouve confronté à des problèmes personnels et délaisse l'entreprise. » Or, pour éviter le « triple D : dépôt de bilan, dépression, divorce », selon l'expression de l'avocat, il existe des solutions.
Prévenir...
POUR NE PAS PÉRIR
Pour Bernard Quesnel, il vaut toujours mieux affecter un bien (= une sûreté réelle) à la garantie personnelle d'une dette. Mais si l'entrepreneur a emprunté sous caution, différents recours sont possibles. « Une solution peut être de changer de statut et de passer en statut individuel (voire une EIRL) avant le redressement. Autre solution : déposer le bilan de l'entreprise et le bilan du dirigeant séparément, mais encore faut-il que les conditions juridiques soient réunies. Lorsqu'une société est sous statut individuel (EI), le conjoint marié sous le régime de la communauté des biens sera poursuivi, en cas de liquidation judiciaire, et le dirigeant peut voir sa maison saisie. » L'avocat conseille donc d'établir un contrat de séparation des biens au moment du mariage (« le B.A.-BA en cas de création d'entreprise »), ou de passer devant le notaire afin de changer son régime patrimonial. « Le dirigeant ne doit pas avoir à se faire du souci pour sa famille lorsqu'il travaille sur le redressement de son entreprise. » Autre recommandation : démembrer la propriété en nue-propriété et usufruit. La première est confiée au conjoint (qui doit avoir une activité professionnelle) et le second à l'entrepreneur ; seul l'usufruit pourra être saisi en cas de liquidation. Pour un immeuble acheté en indivision, le conjoint peut le racheter à titre préférentiel. Le chef d'entreprise a également tout intérêt à réfléchir à une publication d'inaliénabilité. « C'est une démarche qui ne coûte rien, mais qui est peu connue, donc peu utilisée et avec peu de jurisprudence. »
Un plan de bataille stratégique...
AVANT LA PROCÉDURE
De même que la conciliation se prépare en amont, différentes mesures peuvent être mises en oeuvre avant de déposer un dossier de demande de sauvegarde. « Une première étape consiste à nettoyer le passif pour ne pas se retrouver en cessation de paiement, afin d'avoir la possibilité de payer ses dettes, hors bancaires, sur quinze ans sans intérêt (dans le cadre du plan). » Les actions varient selon la nature de l'endettement. En ce qui concerne les créances fournisseurs, l'entreprise débitrice doit tenter d'obtenir des moratoires avec ses fournisseurs stratégiques. « Avec les fournisseurs non stratégiques, envoyez une lettre annonçant les tensions de trésorerie et demandant l'échelonnement du remboursement de la dette. » À savoir que depuis 2014, ce sont les déclarations du débiteur qui valent déclarations de créance.
Pour les dettes contractées auprès de l'État (TVA) et des organismes de Sécurité sociale, il est possible de réclamer un délai de paiement. De même, pour les dettes sociales, faire opposition devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale permet de gagner du temps : « Les instances en cours sont considérées comme des instances contestées pendant lesquelles les créances ne sont pas exigibles. » Quant au banquier, il faut lui demander de produire une autorisation de découvert. « Ensuite, l'entreprise doit mobiliser au maximum ses actifs (en facturant) afin que l'actif disponible dépasse le passif exigible : à ce moment-là, elle peut aller au tribunal et ouvrir un dossier de sauvegarde. »
Valérie Vidril
(*) À l'occasion des portes ouvertes de l'Astredhor Sud-Ouest, le 24 juin dernier à Villenave-d'Ornon (33). Renseignements : - L'IFPPC : Institut français des praticiens des procédures collectives (www.ifppc.fr). - Les CIP : Centres d'information sur la prévention des difficultés.
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